X FACTEURS : PETITE HISTOIRE DU PORNO EN FRANCE – EPISODE I : THAT’S 70 SHOW

Le printemps arrive – ou en tout cas ne devrait pas tarder à arriver – et dès les premiers rayons de soleil le corps se réveille l‘esprit vagabonde, les hormones travaillent et certains souvenirs se font plus clairs, comme désengagés des frimas de l’hiver… Enfin, quand je parle de souvenirs, je parle de ceux que les moins de 30 ans ne peuvent pas connaître, ou très mal, et qui mérite pourtant de l’être ! Alors, pénétrons dans les coulisses d’une partie de notre patrimoine cinématographique, dont l’Histoire a subit bien des remous…

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C’était mieux avant…

X…. Depuis 1975, c’est ce traditionnel emblème de l’anonymat qui sert à nommer l’innommable. La signature de la délinquance ! Au départ, cette « marque » vient du peu d’imagination de la part des censeurs (le X de seXe). Elle provient aussi de la cotation équivalente américaine d’interdiction aux mineurs, plus grave que le R Restricted. Le X étant l’étape ultime de l’infamie… Plus prosaïquement, la réalité est un peu différente. Le X a été un garde fou pour la profession cinématographique qui, sentant ses intérêts menacés par le déferlement érotique de 1974/75, s’est frileusement replié sur son conformisme puritain. Jusque-là on pouvait voir à l’affiche des mêmes cinémas Les aventures de Rabbi Jacob et La luxure secrète. Peu après, les cinémas pornos allaient fleurir un peu partout en France.

Les films se voient imposer une TVA majorée par rapport au films « classiques », un prélèvement de 20% sur les bénéfices et une taxe forfaitaire de 300 00 francs pour les films étrangers. A ces mesures financières drastiques, s’ajoute l’interdiction à l’affichage, les films devant se contenter en guise de publicité, de leur titre. Au vu de ces contraintes, on imagine les dégâts rapides que ne va pas manquer de créer cette loi. S’ensuivent le nivellement par le bas d’une production française dont la survie est liée à des budgets de plus en plus serrés. Retour de balancier logique : puisque l’importation de films s’interrompt faute d’être rentable, la production nationale installe un quasi monopole sur ce marché. Mais obligé de faire face à ces restrictions, les films sont de moins en moins inspirés et de plus en plus interchangeables. Les rares réalisateurs un tant soit peu ambitieux – Jean-François Davy, Francis Leroi, Pierre Reinhard ou Michel Ricaud – ont du mal à garder un point de vue artistique. Mais c’est aussi à partir de ce moment là que va naître un vrai star system, particulièrement féminin. je suis a prendre

Deux nouveaux genres vont alors émerger à cette époque, le vaudeville et le mélo mondain (dont Je suis à prendre, le classique de Francis Leroi, avec Brigitte Lahaie, qui allait devenir l’égérie de toute une génération). Et c’est bien les actrices qui vont devenir la principale attraction de ces films, l’homme instrumentalisé, étant réduit à sa fonction la plus primaire. Ultime conséquence d’un genre qui, à l’époque, est quasi exclusivement masculin. Le X devient une sorte de stéréotype, et n’existe plus que dans sa réalité économique et industrielle : les films commencent à être tourné à la chaîne, avec le même type de plans, le même type d’enchainements et de positions. Cela révèle un état de fait, tant en terme de production que d’exploitation : malgré la crise provoquée par la censure, les chiffres impressionnent encore par leur ampleur. Et pourtant, bien loin de se perdre dans ses propres méandres, c’est à la fin de cette décennie semée d’embuches que le X tente de se réinventer. Pas évident…

Toujours prêts…

A partir de là, il va devenir légitime d’établir un parallèle entre le X et le fantastique, même si son irréalisme rejoint plutôt le merveilleux. Comme un récit féérique, un film X se déroule dans un univers différent du nôtre, obéissant à d’autres lois … Les hommes comme les femmes sont toujours disponibles, consentants, performants et sans condition. Dans ce monde, qu’on aimerait tous connaître, pas de problème de tempérament, d’humeur, de compatibilité, de bonne ou de mauvaise disposition. Prenons pour exemple La rabatteuse. Notre dévouée Brigitte – encore elle – reçoit la tâche de « rabattre », donc, pour les plaisirs du meilleur ami de son amant, des jeunes femmes, et ceci tous les soirs. Non seulement elle accepte sans sourciller cette fonction pour le moins inhabituelle, mais surtout elle réussit à convaincre toutes ces demoiselles, parfaites inconnues, désignée à elle par l’heureux bénéficiaire. On croit rêver ! On en rêve…

On peut aussi s’étonner de cet archétype profondément contradictoire de la pucelle qui, sensée attendre depuis des années la révélation du plaisir, se révèlent au bout de quelques minutes la perle des expertes. C’est bien là la définition du merveilleux !

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Alors, manque d’imagination des réalisateurs ? Conditions économiques précaires des productions ? Les critiques contre le X – pas toujours de bonne foi – mais parfois justifiées, tournent autour de sa médiocrité artistique et de son manque d’originalité. Ce à quoi ses défenseurs, plutôt bien inspirés, répondront que lorsque l’on regarde un film comme Parties Fines, c’est plus pour sa monotonie répétitive que pour y trouver un « retournement de situation » digne de 6ème Sens.

Mais comment briser cet éternel retour ? Comment dans ces conditions renouveler l’intérêt des consommateurs ? Une nouvelle machine du X va bientôt se mettre en marche…

A suivre…

Olivier Fournel

SILENT HILL : REVELATION – 3D

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GAME OVER-DOSE !

C’est en 1999 que l’éditeur japonais Konami révolutionne le genre de  l’horror-survival dans le monde du jeu vidéo avec la création de la licence Silent Hill. Arborant un scénario aux tenants psychanalytiques, une mise en scène novatrice ainsi qu’une bande son aboutie, le jeu n’a rien à envier aux films de David Lynch avec son atmosphère oppressante à souhait. Un réel chef d’œuvre.

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Dans une ville mystérieuse où les ténèbres règnent en maître, une mère lutte corps et âme pour retrouver sa fille perdue dans les ténèbres. Alors que Paul W. S. Anderson nous avait fait saigner des yeux quelques années auparavant avec son Resident Evil (adapté du jeu éponyme), c’est en 2006 que Christopher Gans adapte sur grand écran la célèbre saga japonaise, et en fait l’une des meilleures adaptations de jeu vidéo au cinéma à ce jour.
Le film a su séduire les fans ainsi bien que les néophytes avec un scénario abordant le thème universel de l’amour maternel et celui de l’instinct de survie, tout en offrant au spectateur un visuel à la plastique baroque respectant les codes de la franchise.

Il aura fallu un temps de chargement assez long à ce second opus pour se mettre en route, puisque c’est six ans plus tard que Michael J.Bassett (Wilderness, Solomon Kane) prend les manettes d’un second épisode. Psychanalise ? Christophe Gans ? Silent Hill ? Michael J.Basset ? Veuillez redémarrer le système de votre console…

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La jeune Shanon Da Silva (Adelaide Clemens) a aujourd’hui dix-huit printemps et se fait appeler Heather Mason. Quant à son père, incarné par un Sean Bean embrumé, il a également changé d’identité afin de recommencer une nouvelle vie loin des horreurs de cette ville fantôme du Middle West américain cauchemardesque. Mais qu’est-il arrivé à Shanon ? Comment s’est elle échappée de la ville ? Qu’est-il advenu de sa mère ? Comme toute révélation qui se respecte, le film a les réponses et ici, c’est bien le problème…

Adelaide Clemens, avec sa frimousse de Michelle Williams à l’australienne, joue le rôle de la parfaite adolescente, mal dans sa peau et en quête de sa « véritable nature ». Une quête d’une heure et demi qui n’a malheureusement rien d’épique. Bien que l’action se déroule dans une ville toujours aussi glauque et superbe à la fois (magnifié par la 3D), ce nouvel opus a trop misé sur son aspect thriller en négligeant une véritable introspection des personnages.

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Alors que Radha Mitchell incarnait une mère affrontant des situations traumatisantes pour sauver sa fille, Shanon/Heather est ici confrontée à des situations d’une tiédeur inimaginable, cuisinées à la sauce Twilight, et aux relents d’amours d’adolescents interdits. Et puis, qui a déjà vu un « Pyramid  Head » gentil ? Dans le monde de Michael J. Bassett cela existe… Il ne manquerait plus qu’il brille brille au soleil !

Néanmoins, il serait injuste de ne pas reconnaitre que le réalisateur reconstitue parfaitement l’univers de Silent Hill, en véritable amateur du de la saga. Effectivement, cette suite est tout ce qu’il y a de plus fidèle à l’esprit du jeu vidéo mais, cette fois, au risque de laisser les cinéphiles en pleine brume…. Game over !

Jonathan Abchira

Silent Hill Revelation 3D – Sortie en DVD et Blu-Ray le 28 mars 2013 Réalisé par Michael J. Bassett ;Avec Adelaide Clemens, Sean Bean, Kit Harington, Carrie-Anne Moss, Radha Mitchell…  Long-métrage franco-canadien; Genre: Epouvante-horreur; Durée: 1h34; Distributeur: Metropolitan Filmexport

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– Bonus DVD : Commentaire audio de Michael J. Bassett ; Scènes coupées avec commentaire audio optionnel du réalisateur ; Making of ; Les coulisses du tournage : Les couloirs de Brookhaven / Le cercle de feu / Les rues de la ville / Les costumes / L’atelier ; Anatomie de trois scènes ; La création du générique de fin ; Le parc d’attraction tiré du film ; La bande annonce

– Bonus (BLU-RAY 3D) : Tourner en 3D ; Regard sur Silent Hill ; En 3D : Scènes coupées avec commentaire audio optionnel du réalisateur ; La bande-annonce ; En 2D : Commentaire audio de Michael J. Bassett ; Making of ; Les coulisses du tournage : Les couloirs de Brookhaven / Le cercle de feu / Les rues de la ville / Les costumes / L’atelier ; Anatomie de trois scènes ; La création du générique de fin ; Le parc d’attraction tiré du film ; Inclus : un livret exclusif !

– Contenu du coffret collector limité : « Silent Hill » en BLU-RAY et DVD ; « Silent Hill : Revelation » en BLU-RAY 3D et DVD ; La figurine numérotée de Red Pyramid créée exclusivement pour cette édition ; Le Livret sur les coulisses de « Silent Hill : Revelation » ; Les 8 cartes ; Le poster recto/verso

– Bonus du coffret collector limité : « Silent Hill » : Deux lectures interactives du film : Les images du film avant les trucages numériques ; Les coulisses du tournage ; Les commentaires audio du film par le réalisateur Christophe Gans (VF), par le producteur Andrew Mason et le monteur Sébastien Prangère (VOST) ; « Silent Hill : Revelation » : Exclu Blu-ray 3D : Tourner en 3D ; Regard sur Silent Hill ; Scènes coupées avec commentaire audio optionnel du réalisateur ; La bande-annonce ; En 2D : Commentaire audio de Michael J. Bassett ; Making-of ; Les coulisses du tournage : Les couloirs de Brookhaven / Le cercle de feu / Les rues de la ville / Les costumes / L’atelier ; Anatomie de trois scènes ; La création du générique de fin ; Le parc d’attraction tiré du film

DEPECHE MODE : DELTA MACHINE *****

Delta Force(s) !

Pour certains, le chiffre 13 porte la poisse. En ce qui concerne la musique, 2013 est l’année de tous les bonheurs… Les retours de voix mythiques s’enchainent : Bowie, Clapton, et en attendant celle de Carla Bruni (ou pas), c’est celle de Dave Gahan qui vient booster nos oreilles attentives. DM revient et la Machine s’emballe ! Il ne manquerait plus que Frank Sinatra sorte d’entre les morts, et on ne serait pas loin d’atteindre l’orgasme pur et simple… Alors pourquoi tant de bonheur ? Lloyd a bien une idée, et ne se gêne pas pour nous la faire partager !

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C’est un onyx, une pierre d’un noir brillant, profond qui, lorsque l’on s’y plonge, reflète vos propres peurs, vos angoisses et vos espoirs. Voilà ce que provoque l’écoute du dernier et 13ème album studio de Depeche Mode. Après Black Celebration, Music for the masses, Violator et Songs of faith and devotion, les trois Basildoniens réussissent l’exploit de nous livrer un cinquième opus qui obtient la note maximale qu’on puisse imaginer quand on est fan de ce groupe. Ils parviennent même à provoquer la confusion dans l’esprit de votre humble auditeur qui finit par se demander si ce n’est pas là la plus belle œuvre des anglais. La question peut être posée et une partie de la réponse se trouve dans ce qui va suivre.

Depeche Mode et David Bowie ont un point commun. Voire deux si on compte le fait que Dave Gahan, le chanteur du groupe, habite le même immeuble new-yorkais que le papa de Ziggy (les charges y sont équivalentes à la dette extérieure du Zimbabwe). Le retour – inattendu – du Dieu absolu de la pop contemporaine s’est fait avec une ballade un chouïa cryptique (Where are we now ?) et DM a décidé d’annoncer la sortie de leur album avec un single, Heaven, sur le même tempo. Pour couronner le tout, voilà les deux entités sortent leur dernière production au mois de mars, à quinze jours d’écart. Alors, à peine remis du merveilleux The Next Day, Delta Machine prend place sur la platine CD pour nous dire où en sont les trois jeunes quinquas, Martin Gore, Dave Gahan & Andy Fletcher (même si la présence de ce dernier dans le processus créatif du groupe est cent plus mystérieux que tout ce qui a pu se passer dans le Triangle des Bermudes depuis des siècles).

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Première constatation, l’ensemble de l’album est d’une formidable cohérence. Noir, blindé de sons nouveaux, de trouvailles magistrales, d’un Dave Gahan à la voix toujours aussi puissante et qui monte comme jamais, Delta Machine surprend et déroute avant de finir par séduire de plus en plus à chaque écoute. Ce n’est pas un disque de blues, mais du blues version Depeche Mode (le Delta du titre fait référence au delta blues, issu du Mississippi). Gahan signe cinq titres sur la version deluxe et si la batterie (physique) est toujours absente, alors que le groupe l’avait intégré en studio dans les années 90, les boites à rythmes tapent fort, très fort. Comme dit Aurélien, un grand connaisseur du groupe, DM est la seule entité musicale qui (je cite) « Beat par la mélodie ». L’écoute approfondie de l’album confirme    ses dires.

La cohérence susnommée se fait dans une tonalité très sombre des morceaux, et même si les thèmes ne sont pas nouveaux (religions, foi, soumission…), Depeche Mode continue de creuser son sillon avec une persévérance remarquable. Depuis Exciter en 2001, un vrai ratages, les précédents albums donnaient le sentiment que le groupe avait du mal à se remettre de tous les déboires extra-musicaux de leurs principales têtes pensantes. Si Playing the angel avait rassuré tout le monde en 2005, Sounds of the universe en 2009 laissait un large sentiment mitigé. Mais là, un chef d’œuvre vient de nous être déposé entre les mains. Dans 20 ans, on parlera encore de cet album, promis juré. Ils se réinventent tout en sachant rester eux-mêmes. Personne ne fait du Depeche Mode en dehors de Depeche Mode. Ces sons, ce sont les leurs et ils parviennent à nous surprendre encore et encore, là où la bande à Bono et U2 s’applique, même avec talent, à appliquer les mêmes recettes.

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Depeche Mode nous cueille dl’entrée avec Welcome to my world, une chanson assez surprenante, très sombre au début et qui s’éclaire avec un refrain qui grimpe très haut. Alors que le précédent album mettait des plombes à démarrer, là, on est tout de suite dans le vif. Du sujet ou d’autre chose, mais dans le vif. Les rythmes sont syncopés et les programmations des synthés analogiques, sublimes. On pense bien sûr à World in my eyes pas seulement sur le titre, mais sur la thématique aussi puisqu’il s’agit de « rentrer chez quelqu’un » si vous me suivez… La fin, toute en tension, rappelle aussi la B.O. de Drive. Angel est un morceau qui avait été jeté en pâture à tous les fans lors de la conférence de presse à Paris et c’est bien dommage, car ce morceau aurait mérité d’être un single. Basse profonde, rythme puissant et la voix de Dave, impériale. Lui n’a pas besoin d’une échelle pour aller causer aux anges. On a pu voir dans les quelques prestations télévisées du groupe, ce morceau va faire partie du set de tournée et est d’une grande efficacité.

Heaven, le single qui a précédé tout cela est une superbe ballade, même si les accords sont un peu simpliste. La mélodie est là et la voix qui sait se faire gutturale de monsieur Gahan est un appel pour se rouler des pelles sur les pistes de danse. Étrangement, ce morceau fait figure de – belle – anomalie – dans l’album, tant il dénote par sa lumière et sa douceur. On peut noter encore une superbe seconde voix de Gore sur les refrains. Rarement dans la musique pop, on a pu avoir dans un groupe un tel assemblage entre deux chanteurs.

Secret to the end est un des cinq morceaux signés de Gahan (pas tout seul, hein, non plus) et directement lié à une production du précédent album Hole to feed dans cette rythmique un peu syncopée. La guitare vient se battre avec des synthés très agressifs et le refrain est assez étonnant. L’auditeur peu anglophone entend un « chodoubignou » repris en écho et ça peut paraître désarçonnant. Mais la mélodie principale, bondissante, fonctionne très bien et le final est tout en puissance avec cette guitare qui n’est pas sans rappeler de belles choses de chez Unkle.

My little universe est bien plus intéressant qu’il n’y parait. Pas vraiment de mélodie, des synthés très analogiques et une voix très sèche, sans effet de reverb. On pourrait penser à Something to do et leur période plus « indus ». Les paroles sont très biens foutues, mais le morceau peut clairement foutre plus d’un auditeur à la porte. Slow nous met un riff de guitare blues dans les oreilles et ne cesse, sur son refrain, de changer de tonalité. Encore une fois, beaucoup de risques de la part du groupe. Le morceau était prévu à l’époque pour Songs of faith and devotion mais n’avait pas été enregistré. Du ventre mou de l’album, les DM offre une nouvelle expérience musicale, suave, lancinante.

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On enchaine avec un Broken de toute beauté. Un single en puissance. Un « driving beat » inévitable, la voix de Dave posée très bas sur les couplets et des multitudes de sons qui rendent chaque écoute un vrai délice. Le refrain est très aérien avec une guitare qui provoque l’extase, on en regretterait presque que le morceau soit trop court pour nous emmener encore plus haut. Avec plus de culot, les DM nous sortait un nouveau Never let me down again. The child inside, le seul morceau chanté par Martin, on revient à quelque chose de plus classique pour le bonhomme. Pas de vrai nouveauté de ce côté, même si le vibrato si particulier du compositeur principal fonctionne toujours aussi bien. Soft touch / Raw nerve, ça serait un peu comme si Joy Division et les Rolling Stones avaient fait un petit ensemble. La version de l’album n’est pas mal du tout, surtout sur l’envolée « Oh brother », mais prend toute sa dimension en live où l’aspect post-punk ressort davantage. L’intro reste malheureusement trop courte. On aurait peut-être aimé une petite surprise à ce moment-là.

Should be higher est concrètement LE morceau de l’album, par sa puissance, sa construction, sa mélodie qui ne vous quitte plus et surtout par une performance vocale de Gahan proprement superbe. On voit justement qu’en live, certaines notes sont âpres à tenir pour lui, raison pour laquelle, sa voix est noyée dans une reverb flatteuse. Mais le refrain, avec ses gros synthés, est imparable.

Pour autant, Alone, le morceau suivant est sûrement le plus noir jamais écrit par Gore. Des paroles magnifiques et une ambiance suffocante qui ferait passer Nine Inch Nails pour un boys band. Tout est péremptoire et qu’on soit du bon ou du mauvais côté de l’arme, on se sent mal dans cette exécution publique. Le second couplet est d’une grande puissance avec des poussées dans les basses. Incontestablement, ces deux morceaux qui se suivent les pépites absolues de l’album.

Avec Soothe my soul, Depeche Mode nous sert un second single très efficace, à sortir ces jours-ci. Plus positif dans les paroles, dans les tonalités, le morceau va faire un ravage dans les boites (on imagine aisément des remix ultra dancefloor). Le refrain fonctionne à plein régime et la guitare lui donne un grand coup de boost.

Enfin, avec Goodbye, le groupe possède son dernier morceau pour clôturer le set. Ils peuvent parfaitement l’enchaîner à Personal Jesus, la suite d’arpège à la guitare n’est pas sans rappeler un petit lien de parenté limite incestueux entre eux. Le refrain possède une vraie puissance lyrique et le père Dave s’en donne à cœur joie pour jouer les bluesman.

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Des morceaux bonus, que dire ? De la qualité. Long time lie, signé des deux têtes créatives est une bonne production. Cependant, il serait bon de demander à Dave ce qu’il a avec les mensonges. Entre son deuxième album où figure un morceau A little lie et ici, on se dit que le garçon a quelque chose à reprocher ou à se faire pardonner. Quoiqu’il en soit, le titre est bon et la guitare, très Ry Cooder en plein milieu, et fait décoller l’ensemble.

Happens all the time joue avec des ambiances un peu étranges avant de trouver son parfait envol dans le pré-refrain. Un bonne face B de l’époque.

Always n’est pas forcément très intéressant. On a l’impression que Gore a continué son histoire avec Vince Clarke sur leur projet commun VCMG.

All that’s mine reste dans l’obsession de Gahan d’avoir une rythmique syncopée. Le titre est bon, mais il est vraiment dommage qu’après le refrain, le groupe s’obstine à ne pas envoyer leur mélodie en l’air. Petite déception.

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Au final, voilà un album d’un nouveau genre. Certes, pas de Enjoy the silence ou de I feel you à l’horizon, mais cet opus propose autre chose. Un équilibre, une cohérence d’ensemble, à laquelle il est difficile d’enlever un maillon. C’est fort, tendu, d’une formidable maitrise.

Depeche Mode est un groupe au sommet de son art, à l’octave de son existence. Prise de risque constante, remise en cause salvatrice, recherche, exploration des univers sonores encore inexplorés… Delta Machine en est flippant de maitrise, à la fois intimiste et porté par un lyrisme introspectif, on n’en sort pas indemne. Mais pas de panique, au bout de cette noirceur incroyable, il y a une lumière où il est écrit « sortie de secours ».

Lilian Lloyd

DIE HARD 5 vs LA CHUTE DE LA MAISON BLANCHE

LE DÉFI DES ANNÉES 80

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Nous sommes à la fin des années 80, et les Actions Mens sont au top de leur forme, et pour cause, rien ne peut les arrêter… Sylvester Stallone et Arnold Schwarzenegger dézinguent tout sur leur passage sans la moindre égratignure, Jean-Claude Vandamme expérimente ses premiers grands écarts et Steven Seagal brise déjà moult jambes, bras et poignets. Sans oublier Chuck Norris qui lui… continue à chucknorriser les méchants. Mais voilà que l’invinsibilité des bourrins made in Hollywwod va être remise en question avec un film qui va changer les règles de l’actionner : Die Hard ! Ou plus exactement à l’époque Piège de Cristal (C’est un peu comme La guerre des étoiles qu’aujourd’hui tout le monde appelle Star Wars… nostalgie, quand tu nous tiens…). Bruce Willis, le détective cool de la série Clair de Lune va révolutionner le film d’action et surtout son héros. Certes, il continue à sortir de vannes avant de frapper ou de tirer, mais cette fois il va douter, même pleurer, et surtout il va morfler sévère ! Et le plus dingue, c’est que le spectateur va y croire, pendant quelques numéro de la franchise en tout cas… Et c’est bien le problème de ce Die Hard : Belle journée pour mourir, c’est que l’on y croit plus une seconde, voire qu’on s’y ennui ferme, comme Willis d’ailleurs. Et si c’était tout simplement le bon moment pour arrêter ? Après les « comebacks » ratés de Sly (Du plomb dans la tête) et de Schwarzy (Le dernier rempart), le vrai retour des années 80 ne se trouvait-il pas ailleurs ?

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À l’annonce de l’arrestation pour meurtre de son fils Jack, John McClane s’envole pour la Russie afin de le sortir du pétrin. Jack se révèle être un agent de la CIA. Du cœur de Moscou à la centrale nucléaire de Tchernobyl, vont s’ensuivre fusillades, explosions et trahisons… ça donne tout de suite envie !

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Au cinéma, une franchise, c’est un peu comme un élastique. À force de tirer dessus, il finit par vous péter à la gueule (exception faite, parfois, des James Bond). Le risque d’être déçu est souvent présent, et vous fait réaliser à quel point « C’était mieux avant ! ». Le cinquième opus des exploits de John McClane réussit juste à tuer la saga des Die Hard. Ce qui a longtemps fait le charme du personnage incarné par Bruce Willis, en dehors de sa capacité à « se trouver au mauvais endroit au mauvais moment », c’est cette sensation de vulnérabilité, de guy next door un peu malchanceux. Cette fois, même Iron Man dans son armure ne passerait pas à travers tout ce qu’il endure.

Alors, tant bien que (surtout) mal, Une belle journée pour mourir essaye de dissimuler le vide sidéral de son scénario, l’ineptie de ses dialogues et le manque de compréhension de l’essence même du personnage de John McClane par une suite ininterrompue et usante de poursuites, fusillades et d’explosions. Pire que tout, Bruce Willis n’y croit plus : on sombre dans la caricature, et il s’en fout… Au moins, son prédécesseur Die Hard 4.0, était un mauvais Die Hard, mais un bon film d’action. Ici, même pas ! John Moore (Max Payne, le remarke de La Malédiction… bah, oui…), se contente de nous livrer une brique de soupe à la date limite de consommation largement dépassée….

Exit donc le héros des 80’s qui veut avoir l’air moderne, et rendons vraiment hommage à cette décennie bénite des films d’action…

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Comme Bruce Willis, donc, dans le premier Die Hard, Gerard Butler incarne un personnage qui, grâce à son talent de flic et beaucoup de malchance, devra combattre pratiquement à lui tout seul toute une armée de terroristes. Mis à l’écart de la garde rapprochée du président Asher (Aaron Eckhart) à la suite d’un incident survenu il y a plus d’un an, Mike Banning (Butler) peut se racheter en mettant à profit sa connaissance des lieux quand des terroristes nord-coréens investissent la Maison-Blanche.

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On ne se mentira pas La chute de la Maison Blanche est un film de propagande pure et simple, fun, comme savent si bien le faire les américains. Une ode à l’héroïsme des agents qui risquent leur vie pour protéger le Président, et à la lutte constante que mène ce beau pays face à ceux qui voudraient remettre en question ce symbole de liberté qu’il représente.  Tout cela sans aucune subtilité, c’est entendu. Oui, les américains sont et resteront toujours de grands enfants… Mais pour autant, ne boudons pas ce spectacle qui défie toute crédibilité… pour notre plus grand plaisir !

On peut tout de même reprocher au film son manque de second degré, se prenant parfois terriblement au sérieux. L’ambition du réalisateur Antoine Fuqua, qui avait atteint jadis un bon niveau de respectabilité grâce à Training Day, semble être ici de battre le record du plus grand nombre de coups de feu et d’assassinats jamais recensés dans un long métrage. L’humour Tarantinesque en moins.

Olivier Fournel

(A good day to Die Hard) Sortie depuis le 07 février 2013; de John Moore; Avec : Bruce Willis, Jay Courtney, Sebastian Koch… Long-métrage américain; Genre : Action; Durée : 1h37   Distributeur : Twentieth Century Fox

(Olympus has fallen) Sortie le 20 mars 2013; d’Antoine Fuqua; Avec : Gerard Butler, Aaron Eckhart, Morgan Freeman, Ashley Judd… Long-métrage américain; Genre : Action       Durée : 1h51  Distributeur : SND

DEPECHE MODE : LA GUERRE DES ETOILES (3ème partie)

Pour les Depeche Mode, les décennies s’enchainent, mais ne se ressemblent pas. Après une fin de XXème siècle, plutôt chaotique, où Dave Gahan à tenté (et presque réussi) à battre les records homologués de Jim Morrison et Keith Richards réunis dans le Guiness Drug des rockers, le groupe revient plein de bonnes intentions. 2001 : L’odyssée continue…

Exciter – 2001 – **

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… En même temps, redémarrer avec un album au tel nom, on se dit que ça va péter dans tous les sens. Et là… Là… Pour un certains nombre de critiques, pour beaucoup de fans, cet opus reste un haussement d’épaule d’incompréhension musicale. Incompréhension qui s’est présentée de cette manière au sein du groupe : Dave arrive avec une ou deux chansons. Martin lui répond qu’elles ne rentrent pas dans le concept de l’album.  » C’est quoi le concept ? demande le chanteur, y’en a pas lui répond le compositeur ». Ambiance.

Donc, douze ans après sa sortie, que reste-t-il de Exciter ? Un étrange malaise, comme un quiproquo. Mark Bell, producteur de Bjork y est sûrement pour beaucoup. Tout le long de ce 10ème album studio, on attend que ça démarre et on arrive à la fin en disant que c’est pas possible, Depeche Mode est flingué. Le tempo est lent, mais lent… Les batteries ne sont plus que synthétiques et les sons, pour la plupart, soit totalement torturés, soit passablement (dé)trempés de miel. Infernal. Plus rien de vénéneux, plus rien de noir, ça sent la maison de retraite des Lilas ou la crise de la quarantaine à base de bonbons acidulés et de toutes les couleurs. On les préférait drogué…

Dream on (espère toujours) porte bien son nom. On attend, on espère et rien ne vient. Un single, certes, très sympathique, mais lymphatique aussi. Paradoxalement, on sent la voix de Dave retrouvée, avec des variations dans les aiguës qui étaient jusqu’ici inconnues et ce tout le long de l’album. Shine est un morceau un peu insignifiant à l’électroencéphalogramme plat. The sweetest condition reprend un peu de rythme à la I feel you mais sans le feu, sans la passion, sans l’intensité. Oui, bien sûr, When the body speaks a un joli arpège à la guitare, des cordes bien foutues, mais il inspire plus une bonne sieste qu’une écoute attentive.

The dead of night est une aberration. Le titre du morceau, les paroles (« nous sommes les morts de la nuit, on est dans la chambre des zombies »…), les sons distordus n’inspirent que des haussements sourcils. Si le père Gore voulait nous paumer, c’est gagné. Haut la main. On peut quand même soulever que le morceau, en concert, donnera lui, quelques bonnes surprises. Lovetheme est la pire instru jamais composée. Ou alors composée par le synthé Casio d’un des gamins de Martin. Le plus insolite, c’est qu’il arrive à nous chanter un Comatose de circonstances. L’auditeur, à ce moment de l’album, en est à son cinquième AVC. Avec Freelove, Dave continue de nous la jouer crooner et nous inviter dans les boites à partouse. Alors, c’est pas l’envie qui manque, mais on est pudique, donc non merci.

On essaie désespérément de se réveiller avec I feel loved et une nouvelle fois, les sons nous agressent, pas une seule mélodie et juste une espèce de parodie de morceau « dance trash ». Tellement mauvais que le groupe ne le jouera pas en live alors qu’il se pait le luxe de le sortir en single ! La seule véritable pépite de l’album serait plutôt Breathe avec, ENFIN, un peu de mélodie et des paroles qui nous rappelle que Gore est un très bon parolier. Deuxième instru, Easy tiger, on dit que des fans en étaient à leur sixième tentative de suicide à ce moment de l’écoute. I am you s’écoute et s’oublie, aucun rythme, pas d’élan… Question de nous déchirer jusqu’au bout, les Depeche Mode nous offre une berceuse avec Goodnight lovers… Une berceuse. Ratée de surcroit. Une berceuse ? Oui, une berceuse. Il vous reste un Lexomil ou deux ? Deux boites, s’il vous plait.

Album d’une rare fainéantise intellectuelle, Exciter est LE VRAI ratage de la carrière du groupe. Les deux étoiles se justifient pour trois morceaux, Dream on, When the body speaks et Breathe. Et encore, c’est généreux. La voix de Dave, plus élastique donne aussi un peu de relief à un ensemble d’une platitude sans nom. On se dit que les originaires de Basildon ont perdu un pari et que ça ira mieux demain. Mais demain, c’est dans quatre ans et c’est long quatre ans.

Playing the angel – 2005 – ****

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Mais quatre ans plus tard débarque dans les oreilles Precious, un morceau aux accents de Enjoy the silence, peut-être pas le même hit, mais vachement bien gaulé, plus sincère et avec une mélodie, une vraie et, encore plus beau, la voix de Dave qui grimpe et qui grimpe encore un peu plus. Incontestablement une réussite. La chanson parle du divorce de Martin et une grande mélancolie, toute en retenue, nous saisie à la gorge.

Quelques mois plus tard arrive l’album Playing the angel et c’est du tout bon. Le groupe renait de ses cendres et nous offre un CD de très belle facture. Entre temps, Dave Gahan a mis un coup de pression et signe trois titres. Ben Hillier, le producteur de Blur va entamer la première de ses trois collaborations avec le groupe. Gore, toujours bourré composent de belles ses chansons qui transpirent un véritable malaise qu’on aime tant chez les Mode et la guitare, malgré la batterie synthétique, est de plus en plus présente.

A pain I’m used to c’est la réponse à The dead of night du précédent opus. Même distorsion mais avec, là, un vrai sens. Violence, puissance, tout y est. Et que dire du superbe John the revelator ? Une chanson étonnante chez eux, pas de couplet ou de refrain à proprement dit. Mais une complainte toute en intensité, une voix puissante et un rythme qui ne nous laisse pas indemne. Le premier morceau de Mr Gahan Suffer Well, s’ouvre sur une mélodie à la basse à six cordes de toute beauté. C’est de nouveau super puissant et le refrain monte comme il faut. Une vrai réussite et sûrement encore aujourd’hui, la meilleure composition de Gahan. The Sinner in me nous rappelle les plus beaux morceaux sulfureux et noirs du groupe. Réécoutez la fin et comparez avec Clean. Vous m’en direz des nouvelles. Formidable.

Le premier titre chanté par Gore, Macro est bien beau aussi, avec, pour la première fois, un refrain chanté AVEC Gahan en chœur ! Le contraire est toujours arrivé, mais là, c’est nouveau et ça donne une jolie couleur à cette chanson qui ne renouvèle pas grand chose malgré tout. I want it all est un peu le ventre mou de l’album. Ambiance sombre, calme et légèrement torturée, mais ça se traîne un peu et la réécoute lui est fatale. D’autant plus que Gahan n’est pas un très bon parolier. Un peu la même chose pour Nothing’s impossible, bien que le rythme mette le morceau un peu plus en valeur. Le refrain est de meilleur qualité et la fin est bien plus agréable, plus aérienne. Le second titre chanté par Martin Damaged people nous emmène dans une petite comptine avec des sonorités comme des petites cloches de Noël. La voix de Gore est toujours aussi exceptionnelle, jouant sur différents timbres, sur des variations tonales vraiment remarquables.

Bien sûr, pour le morceau Lilian je ne suis pas objectif ! Personnellement, ça me parle, surtout quand on dit dans le refrain que Lilian passe son temps à faire du mal ! Mais, musicalement, le morceau fonctionne avec une bonne grosse partie de synthé un peu old school et une basse bien présente. La chanson rentre facilement dans la tête et n’en sort pas avant de longues heures. Ouais, on peut dire que c’est ma bio… Enfin, The darkest hour clôt l’album de manière une peu trop discrète et n’est pas à la hauteur de l’entrée en matière avec A pain

Au final, Playing the angel est un CD d’excellente facture et remet Depeche Mode sur la route de l’inspiration, de leur noirceur synthétique. Peut-être que la seconde partie est moins intéressante mais il y a de bien belles choses et surtout une vrai cohérence. La tournée qui s’en suit, est l’une des plus belles et les concerts, résolument rocks.

Sounds of the universe – 2009 – ***

sound

Décidément, les Depeche Mode auront traversé les années 2000 assez bizarrement. Ils les ont ratés au début, rattrapés par la suite et les finissent en demi-teinte. SOTU souffre d’un manque de cohérence flagrante. Pourtant, avec un titre pareil, on pouvait se dire que le groupe nous faisait un petit clin d’œil à leur « Musique pour la masse ». Maintenant, en passant à l’univers tout entier, c’était sûrement un peu trop présomptueux. Depuis Playing the angel, Martin Gore a été pris d’une frénésie d’Ebay, achetant à tout va des dizaines de vieux synthés, y compris analogiques. Le résultat, au final, nous donne plus le sentiment d’un grand ensemble de démos qu’un album totalement fini. Et puis, c’est surtout que ça part dans tous les sens, entre pop légère ou coup de fusil dans la tronche, il y a un choix qui n’a pas été fait. Gore a arrêté de boire, et c’est peut-être là le problème.

Pourtant, Wrong, le premier single, servi par un clip assez fantastique, arrive dans nos oreilles comme un énorme coup de poing au foie. La violence du morceau, sa brutalité nous renvoie à Barrel of a gun et semble encore plus direct, plus fataliste. On est lancé, comme dans le clip, dans une caisse qui va manger un mur à la fin et il n’y a rien à faire. Magistral morceau où la voix de Gahan, péremptoire, ne nous laisse aucun autre choix que d’applaudir. Le soucis, c’est que cette chanson est le seul hymne d’album.

L’intro de In chains aurait mérité une piste à elle seule. C’est bien joli ce « la » que cherchent tous les synthés du groupe, mais c’est un peu long. La guitare en fond n’est pas sans rappeler l’ambiance de Walking in my shoes mais sans les envolées lyriques. C’est sympa, mais sans relief. Je recommande le remix fait par Alan Wilder, pas rancunier, pour l’album de remix paru en 2012, dix fois plus puissant. Hole to feed, le premier morceau de Gahan, fait la part belle à une rythmique un peu étrange, sûrement sortie de la tête du très talentueux batteur allemand Christian Eigner, compagnon du groupe depuis 1998 et grand copain du chanteur. Malheureusement, cette même rythmique empêche tout décollage.

Passé Wrong on tombe sur Fragile Tension qui est un bon morceau, aux basses lourdes et à l’ambiance plutôt aérienne. Un bon « driving beat » et la guitare saturée de Martin donne un peu de relief et un joli contrepoint face à l’armée de synthés déployés en face. Bon, ensuite, on commence à s’ennuyer avec Little Soul d’une platitude extrême. Ce serait très bien sur un album du blondinet compositeur mais là, on craint le retour de Exciter. Heureusement, In sympathy est bien… sympathique. Pop légère donc, mélodie plaisante, mais on a cette étrange impression que le groupe essaie de retrouver le son de Construction time again ou Some great reward (d’ailleurs, dans les bonus dvd, ils s’amusent à reprendre en studio Stories of old). Hé les gars, c’était il y a 25 ans ! On essaie de se situer dans le temps ou on passe sa vie à regarder derrière ?

Peace est, à coup sûr, le morceau « qu’il ne fallait pas faire ». Alors oui, Dave pousse sa voix très très haute, mais c’était pas la peine. Mélodie insignifiante, claviers qui se battent tout seuls, ennui total. Come back possède cette énergie qui manque à bon nombre de morceaux de l’album. Certes, l’ami Gahan n’est toujours pas un bon parolier, mais le titre vient chercher un peu de noirceur dans ses gammes, dans ses hauteurs de tonalité et la saturation de la guitare donne une vraie pêche à l’ensemble. Pour autant, la version dénudée qu’on trouve encore sur le dvd, juste au piano, est peut-être plus intéressante. Avec Perfect, on retrouve toujours ce son un peu léger, un beau mélange des voix et c’est toujours aussi « sympatoche » mais on s’endort un peu. Miles away, troisième et dernier morceau composé par le « front man », fait la part belle à pas mal de distorsions, à des propositions pas idiotes, un joli melting-pot sonore, mais on n’y est plus vraiment. Jezebel est le seul titre chanté par Gore et on s’en serait gentiment passé. L’album se clôt sur Corrupt qui est clairement pompé sur I feel you (essayez de chanter le début, vous verrez, c’est pareil). Il y a une jolie montée, des intentions à la Wrong mais tout cela arrive à la fin et on reste là, les mains un peu sur les hanches, pas complètement déçu, mais vraiment pas enthousiasmé.

A noter dans les bonus cinq morceaux : Lights, très bien, dont il est difficile de comprendre pourquoi il a été viré de l’album, Ghost dont on comprend pourquoi il a été viré, même constat pour The light & the moon, très ennuyant aussi, un instru sans intérêt Esque (que quelqu’un peut m’expliquer ce que fait ce truc ici ?) et enfin Oh Well, tout premier morceau composé par Gore et écrit par Gahan, sorte de tentative « electro hard » qui pulse plutôt à vide.

Avec SOTU, Depeche Mode nous donne le sentiment d’avoir fait plein de travaux d’études, réussissant un formidable Wrong (d’ailleurs, le making off disponible en dvd nous montre une grande partie du temps toute l’équipe travailler à ce morceau) et en se cherchant sur la plupart des autres. En résulte une impression un peu étrange, circonspecte de l’auditeur que je suis.

DM

Dans quelques jours sort le très attendu Delta Machine. Ce qu’on a déjà pu en entendre donne très envie et renvoi plutôt à la cohérence de Playing the angel. Seul bémol sur les premières choses entendues, la batterie, toujours aussi synthétique… Quand on sait combien elle transcende les morceaux en live, on se demande vraiment pourquoi les anglais s’en passent sur leurs albums… Réponse la semaine prochaine !

DEPECHE MODE : LA GUERRE DES ETOILES (2ème PARTIE)

Pour certains, les années 90 seront à jamais marquées par l’effondrement du bloc soviétique et la fin de la guerre froide. Pour d’autres, l’arrivée de la Megadrive de Sega restera pour toujours une madeleine de Proust. Mais cette décennie sera surtout celle des Depeche Mode : 3 Albums, 3 réussites et un nombre incroyable de succès dans les Charts du monde entier…

Violator – 1990 – *****

violator

Mieux, je sais pas, mais pas moins bien. Les Depeche Mode se réinventent encore et nous mettent davantage de guitares dans l’album qui suit, noir de chez noir, encore moins d’espoir. Le single qui prédit l’album, Personal Jesus est un monument, histoire de partie fine dans un hôtel, de Presley et de Foi turgescente. Le morceau est dément et montre les quatre anglais rockeurs, là où on les attendait encore derrière leurs synthétiseurs. La sortie de l’album est un raz-de-marée. Neuf morceaux de haut vol. World in my eyes, avec sa ligne de basse super puissante et la voix archi sensuelle du père Dave entame l’album de la meilleure façon qui soit. The sweetest perfection parle des addictions de Gore à l’alcool et nous emmène dans un morceau incroyablement riche dans ses tonalités. Halo, certes, fait figure de parent pauvre dans cette galette-là, mais je souhaite à un grand nombre de groupe de faire des morceaux aussi minimes (écoutez surtout la seconde voix de Gore sur les refrains). Waiting for the night est une merveille lente, un slow un peu lunaire et angoissant par moments. Déstabilisant.

Enjoy the silence EST le plus grand tube de Depeche Mode, en terme de vente en tout cas. Quand on écoute la démo et le morceau final, c’est là qu’on comprend le génie d’Alan Wilder qui a construit une chanson fantastique, un hymne. Tout a été dit sur cette pièce-là et pour respecter le titre, je ferme ma gueule.

Policy of truth est un autre très bon morceau de l’album, rock et entraînant et où la batterie fait des petites variations très intéressantes. Ecoutez le encore, le secret de ce morceau est dans sa rythmique, hyper précise, battements de cœurs dans le pont… Blue Dress passe un peu à côté du reste de l’album, mais a la qualité d’être courte. Enfin, Clean est une chanson riche, très riche, des tas de mélodies et une perf vocale de Gahan dans les basses assez impressionnante.

En somme, un album gigantesque, et trois cinq étoiles de suite, DM est un groupe affirmé et reconnu. En dix ans, les garçons coiffeurs sont devenus grands. Très grands.

Songs of faith & Devotion – 1993 – *****

songs

Dave Gahan ressemble désormais à Dave Stewart qui se serait pris pour Jésus. Les tatouages parcourent tout son corps, tout autant que la drogue dans ses veines. Le groupe est attendu comme jamais, plutôt sur un air très électro et voilà qu’ils nous sortent une œuvre d’art splendide et furieusement rock. Le premier single, qui ouvre l’album, I Feel You, cueille les fans par un dérapage de pneus qui n’en finit pas, un riff de guitare tonitruant et une batterie (si, si, une vraie, Alan Wilder s’y est collé pour l’occasion), qui envoie tout le monde scotché contre le mur. A noter un rythme particulier à la chanson en 12/8 et non en 4/4, qui rend cette chanson parfaitement unique. Si Violator était d’une beauté introspective, SOFAD est lyrique de bout en bout.

Pour preuve, allez résister à Walking in my shoes extraordinaire morceau totalement aquatique, les dauphins, les cris de baleine, les sons, tout nous montre que Poséidon s’est mis au mixage. Les envolées sont grandioses, le pont superbe et les paroles, ciselés, puissante. Cette chanson est une pierre angulaire de l’ œuvre du groupe. Condemnation est un gospel très étrange, complètement surprenant où la voix de Dave, puissante, vient discuter directement avec le plus grand des juges. Fabuleux. Mercy in you s’il est plus attendu, possède un rythme ravageur et une mélodie efficace qui vous prend aux tripes. Judas (aaaaaah, les obsessions religieuses de Gore…) fait appel à une cornemuse lointaine pour nous emmener dans une de ces ballades dont le compositeur de DM a le secret. Le refrain frôle le SIDA (« risque ta santé pour moi, si tu veux mon amour ») mais c’est gagnant, comme toujours.

In your room rappelle la batterie du premier morceau pour nous emmener dans une nouvelle obsession masochiste, noire, difficilement supportable, inquiétante, mais totalement fascinante. La chanson est de toute beauté. A noter le remix du single qui « éclaire » le morceau avec un riff de guitare que Gore n’a pas composé. Get right with me est peut-être le seul moment où on s’ennuie durant l’écoute de l’album. De jolis chœurs, mais, même malgré la batterie synthétique tout en percussion puissante, rien de bien nouveau. Rush est très noir, la batterie encore joue un grand rôle et quelle puissance ! L’album entier en a profité et le son de DM a pris une autre dimension. Le pont de Rush est une merveille, tout en tension retenu, jusqu’à ce que nous pète à la gueule. Un grand moment.

Gore se permet tout et avec One caress il laisse tomber tous les synthés du monde et s’offre 24 cordes pour l’accompagner sur une chanson sublime, très difficile à chanter. C’est là aussi qu’on se rend compte que le père Martin a une sacrée voix, élastique, aérienne. Un très beau morceau qui contraste terriblement avec le reste de l’album, mais qui finalement, trouve sa place. On finit avec Higher love qui fait atterrir les oreilles dans un halo de nappes synthétiques, toutes plus belles les unes que les autres. Plus détendu, plus calme, plus planant, il conclut un album, encore une fois cinq étoiles.

Mais c’est aussi la fin d’une histoire. Lors de le tournée suivante, Alan Wilder, qui n’en peut plus, quitte le groupe. Même Fletch, déprimé, se fait remplacer sur scène (même si personne ne s’en rend compte), Gore est plein d’alcool, Dave fait deux overdoses, une tentative de suicide, un peu de taule. On dit les DM mort. Certains diront même que vu les dégâts propre aux groupes de rock, Depeche Mode en était donc vraiment un…

Ultra – 1997 – ****

ultra

Comment ce groupe a pu sortir de cet enfer ? J’attribue ça à un miracle. L’enregistrement de l’album dure des mois, Gahan n’est pas foutu de chanter correctement et regardez bien dans le livret, une coach vocale y est remerciée… Pourtant, 4 étoiles pas volées du tout ! Pourquoi ? Parce qu’il passe dans cet opus, une sorte d’urgence, des morceaux de bravoure et une production aux petits oignons par Tim Simenon. Ça nous donne des chansons sublimes, comme Barrel of a gun terriblement biographique autour de l’état de Dave et d’une rare violence dans les sons, dans la guitare et où il est question de se régler les comptes. Impressionnant. Le plus beau morceau est, pour une fois, attribué à Martin Gore qui, avec Home signe une pièce maîtresse. Encore des prouesses vocales et lorsque le refrain intervient, on est scotché. La fin est sensationnelle, grandiloquente, à partir 3’50 », vous pouvez sauter en parachute, on est tranquille. Notons le remix The Noodles & The Damage Done, extraordinaire de rythmiques jungle, une merveille.

Bien sûr, il y a It’s no good morceau un peu faiblard sur les paroles, mais qui finit par dégager beaucoup de second degré. La mélodie est ultra (ah, ah) efficace et la basse fait tout le boulot. Useless fait aussi partie de bonnes surprises, entrainante, pas sans rappeler Policy of truth, est avec, ô incroyable, un vrai bassiste dessus !

Sister of night est un morceau qui marche, comme on dit, mais pour la petite histoire, la voix de Dave a été enregistrée des dizaines de fois et il ne l’a jamais interprétée une seule fois en entier. Il était dans un tel état qu’il ne le pouvait pas. Donc un énorme travail de montage !!! Love thieves est sympa, sans plus, les instrus, pour le coup n’ont vraiment aucun intérêt. On peut aussi ressortir du lot Freestate qui nous fait découvrir une jolie mélodie à la lap steel guitar, pour un morceau qui ne décolle jamais vraiment, mais qu’on peut écouter sans s’en lasser. Insight ne nous en dira pas plus sur l’état du groupe, qui réussit, malgré tout, sur une moitié d’album, à faire de bien jolies choses, dans un chaos total.

Pas de nouvelle tournée derrière cet album, encore un best-of, une petite tournée quelques temps plus tard, et les années 90 s’arrêtent enfin pour un groupe qui a besoin de se retrouver pour mieux repartir…

A suivre…

DEPECHE MODE : LA GUERRE DES ETOILES (1ère PARTIE)

Après le retour – tant attendu – du dieu Bowie, c’est à un autre David de faire son retour dans les bacs. Je parle bien sûr de Dave Gahan et donc du groupe Depeche Mode. A l’occasion de la sortie imminente de Heaven, LE Lloyd, maître incontesté et incontestable de l’œuvre « Depechemodienne » – comme Stéphane Bern peut l’être de l’histoire de la famille des Grimaldi de Monaco – nous retrace l’histoire du groupe mythique à travers ses trois grandes périodes…

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Je ne peux écrire sans musique et la musique a fait, fait, fera toujours partie de ce que je suis. En haut de toutes les choses que j’aime écouter, on peut y trouver bien sûr Bowie, And Also The Trees, U2, Cure, Bashung, Ferré, j’en passe et des meilleurs. Mais j’ai toujours eu une affection particulière pour Depeche Mode, sûrement en rapport avec un goût immodéré pour le travail du son synthétique, pour l’imagerie et aussi, pour un groupe dont les chansons ont accompagné un bon nombre d’évènements de ma vie d’homme.

Alors que le nouvel album sort le 25 mars (presque pour mon anniversaire, joli cadeau) et que c’est le seul groupe que je connaisse qui ai chanté un titre du nom de Lilian (2005, sur Playing The Angel), je me sens une envie de partager ici ma discothèque avec mon humble « étoilage ». Fan, venez me hurler dessus ou apporter votre regard, pas fan, vous pouvez attendre ma prochaine chronique de dépressif tendance mélancolique.

Speak & Spell – 1981 – **

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S’il n’y avait pas le tube mondial Just can’t get enough, ou le réfrigérant Photographic, Depeche Mode n’aurait été qu’un groupe du début des années 80 comme tant d’autres, et aurait disparu après cet album. Dreaming of me est bien mignon, mais plus de 30 ans ont passé, et il faut reconnaitre qu’il fallait être un génie pour prédire un avenir musical à ce groupe. La voix de Mister Gahan mixée très en arrière (comme la plupart des bands de l’époque) et les six notes de chacune des mélodies donnent le sentiment que ce furent les synthétiseurs qui composaient les morceaux pendant que les garçons étaient aux toilettes. Pourtant, quelque chose a opéré et même si Vince Clarke, principal compositeur de l’album se tire rapidement, les DM vont repartir au boulot pour une nouvelle galette.

A broken frame – 1982 – **

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De nouveau, deux étoiles pour cet album, même si ça peut sembler un peu sévère. Mais en dehors du très vicieux Leave in silence (coup de couteau à Vince Clarke pour son départ), du très pop See you, ou de l’excellent The sun & the rainfall qui clôture l’album, les trois garçons se cherchent. Pour autant, les mélodies se font plus intéressantes et les sons s’enrichissent. On sent que les Mode se sont mis à lire les modes d’emploi de leurs synthés et ont pris quelques cours de solfège. Personnellement, Satellite avec sa ligne bondissante et ses accents de reggae possède un petit charme suranné. En revanche, The meaning of love est une ballade à la frontière de la débilité, tant au niveau de la musique que des paroles d’une rare vacuité. L’arrivée en fin d’album d’un quatrième énergumène du nom de Alan Wilder va apporter ce qui manque au groupe, de la discipline.

Construction time again – 1983 – *** 

construction

Wilder est un malade de studio. Martin Gore, devenu principal compositeur, arrive avec une pauvre démo à la guitare et ce génie de Wilder en fait Everything counts. Ce morceau, véritable hymne politique tendance gauche de la gauche (rappelons la pochette du précédent album, une femme avec une faucille, celui-ci un homme avec un marteau…), est puissant avec sa ligne de basse, martiale à souhait. Le refrain sera repris par des centaines de milliers de fans dans le monde et le seul chanté par Gore seul. Cet album montre que les Depeche Mode travaille enfin, ils bossent le son, tapent sur des casseroles, cherchent à s’inventer un style bien à eux – et le trouvent. Love, in itself, est une jolie ballade qui ne fait du mal à personne, Pipeline envoie tout le monde à la mine avec des sons de marteaux, et les quelques morceaux écrits par Wilder sont de bonnes factures. Trois étoiles prometteuses pour une groupe qui enchaine albums et tournées et ce n’est pas fini…

Some great reward – 1984 – ***

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Trois grosses étoiles pour un album qui part sur les chapeaux de roues avec Something to do. Le ton est donné, on va pas se marrer ce coup-ci. Les samplers chauffent et le père Wilder en est l’un des premiers responsables. Si on se calme un peu avec le sensuel Lie to me où la voix de Dave commence à se faire profonde et gutturale, la piste d’après avec le très célèbre People are people (morceau que déteste aujourd’hui Gore qu’il juge trop facile), on entre dans une usine avec tous ces sons industriels. N’empêche que ça marche et que ça démonte les pistes de danse. La seule petite perle qui échappe à la fraîcheur ambiante de l’album, c’est Stories of old, un beau petit morceau drôlement bien ficelé dont je vous conseille la reprise acoustique qu’ils en ont faite en 2009.

Bien sûr, comment passer à côté du PREMIER tube chanté par Gore, Somebodyqui a fait pleurer plus d’un ado à l’époque, mais réécoutez le, avec les sons d’ambiances, on a vraiment l’impression d’entendre un type un peu désabusé chanter en plein milieu d’un mariage et qu’au moment du refrain, il pleut…

Quid de Master & servant, qui aurait pu servir de sonnerie pour tous les téléphones des sado maso de l’époque (si le portable avait existé… bien sûr) ? Chanson froide, indus encore et toujours qui rentre dans la tête comme c’est pas permis. En revanche, écoutez-le et comparez la mélodie avec Let’s go to bed des Cure et vous revenez me voir. Enfin, Blasphemous Rumours sa multitude de samples est un incontournable de Depeche Mode avec son refrain qui, aujourd’hui, remettrait les anti-mariage gay dans la rue (Je ne veux pas faire courir des rumeurs blasphématoires mais je trouve que Dieu a un sens de l’humour noir et quand je mourrais, je m’attends à le trouver en train de rire)…

Signalons un album de singles sorti en 1985, qui livrera un morceau inédit très beau, aérien, à la mélodie sublime, Shake the disease. Pour le reste, on peut entendre une évolution très marquée des DM en cinq ans, jusqu’à…

Black Celebration – 1986 – *****

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Le premier album CINQ ÉTOILES de Depeche Mode. Ils ont cherché, ils ont trouvé. « Les gars, avec les synthés, on va faire des chansons noires et on va s’habiller en cuir aussi et je vais écrire des textes sur la religion et le cul, je pense que ça peut le faire » affirme Gore à ses camarades (je ne garantie pas le verbatim de son discours, mais en gros, c’est l’idée). Bon, clairement, le morceau qui donne son nom à l’album donne le ton. Sortez vos antibrouillards, parce qu’on ne va pas beaucoup voir clair. Fermez les yeux et laissez vous envahir par le venin de chaque chanson. Fly on the windscreen vous explique que vous êtes bloqués devant la télé à regarder des horreurs. La batterie est creuse dans sa caisse claire, la mélodie ne vous laisse pas trop le choix que d’adhérer, le sample d’un flic au talkie vous met mal à l’aise et la voix de Dave vous oblige à « venir, à m’embrasser, maintenant » (pas moi, hein, lui…). On obéit. A question of lust, si vous n’avez jamais emballé là-dessus, il vous manque un truc à faire avant de mourir. Les DM se permettent tout, comme avec Sometimes, un canon… un canon ? Ben, oui, un canon… ça s’explique pas, ça s’écoute.

Et là, boum, vous vous prenez A question of time en pleine poire et qu’entend-t-on je vous demande ? Une guitare ! Tiens… une guitare sur du DM. Et ça donne, ça donne. La chanson donne le sentiment d’un compte à rebours auquel personne n’échappera, tant pis pour vous. En dehors de Just can’t get enough, sûrement le premier morceau culte du groupe, qu’il continue de jouer d’ailleurs. Mais ce n’est pas fini. Stripped, est tout simplement, l’une des plus grandes chansons de DM. La batterie sort de nulle part et partout à la fois, on est dans un train, dans une voiture et on s’arrache de la Terre dans le refrain « Je veux te voir te déshabiller jusqu’aux os ». La mélodie sur le pont est purement aérienne. Un chef d’œuvre.

L’album atterrie doucement avec cet autre titre magnifique Here is the house où les samples sont encore nombreux et où les deux voix de Gahan et Gore se mêlent à la perfection, nous faisant comprendre que peu de groupse dans l’histoire du rock ont eu la chance d’avoir une telle complémentarité vocale (citez m’en cinq…). Dressed in black ou New Dress n’apportent pas ou plus grand chose, l’album est grand, très grand et n’a toujours pas pris une ride.

Music for the masses – 1987 – *****

masses

Pour être honnête, comme beaucoup, j’ai découvert Depeche Mode avec cet album et à l’heure d’aujourd’hui, c’est le troisième Cd que j’achète, les deux premiers ayant fondu dans mon lecteur à force d’écoutes. Que dire ? Never let me down again est, pour moi, le plus grand morceau du groupe. Ballade stratosphérique, mélodies implacables, refrain qui tutoie les étoiles. Ecoutez le encore et encore et vous découvrirez toujours quelque chose qui vous étonnera, un son oublié, une mélodie au loin. Avec La nuit je mens de Bashung, vous pouvez me balancer ça à mes obsèques pour que je parte tranquille.

Le reste de l’album est du même acabit. Je fais vite. The things you said, émotion pure, Strangelove, tubesque à souhait avec son pont prônant la douleur et encore la douleur, Sacred, plus convenu mais efficace, Little 15, que vous pouvez me mettre en boucle pour que je me souvienne de mes 15 ans de l’époque (j’en avais 14 en réalité) et que je chiale le temps de la musique (et écoutez la Sonate au clair de lune du père Ludwig, vous verrez une vraie relation incestueuse avec ce morceau-là), Behind the wheelun autre hit total qui commence par un enjoliveur qui tournoi sur le bitume pour partir sur un « beat » de grosse caisse qui vous lance sur une autoroute à contresens aux sons de mélodies multiples et enivrantes, I want you now, où Gore chante un gospel sur fond de partouse générale dans le sampleur, To have & to hold, qui ferait un bon générique d’une émission pour faire flipper les spectateurs de BFMTV, Nothing, assez attendu mais qui sait faire mouche aussi et enfin l’instru Pfimf qui rappelle que Wagner peut aussi inspirer des gens biens.

Bref, vous l’aurez compris, dans les années 80, cet album fait figure de modèle et propulse les Mode en haut, tout en haut. On pourra vérifier ça en 1989 avec la sortie de leur live 101, où la popularité du groupe est à son comble. A noter les centaines de remixes plus ou moins bons sortis durant ces années. Le grunge arrive, on se dit qu’ils ne peuvent pas faire mieux. Et pourtant…

A Suivre….

Lilian Lloyd

20 ANS D’ECART

20 ans affiche

Le bon côté des films dont on n’attend pas grand-chose, voire rien du tout, c’est que l’on a souvent de bonnes surprises… Et face aux grosses comédies « attendues » (euh…), bankables et surtout ratées auxquelles nous avons eu droit ces derniers mois (Les Seigneurs, La vérité si je mens 3, Vive la France, Turf… pour ne citer qu’eux), 20 ans d’écart fait figure de bon élève.

Grâce à un casting sans réelle tête d’affiche, un scénario (bien) inspiré par les classiques de la comédie romantique américaine, et une mise en scène soignée, le film de David Moreau permet aux spectateurs de vibrer sur le thème inépuisable qu’est l’amour, tout en y ajoutant une touche d’originalité, parce qu’encore peu traité au cinéma, surtout dans une comédie, et encore moins en France, celui de la MILF (Mother I’d Like to Fuck… pas besoin de traduire !).

20 ans2

Alice, ambitieuse journaliste de 38 ans, est prête à tout pour casser son image de femme coincée, et avoir le poste de rédactrice en chef du magazine féminin dans lequel elle travaille. Lorsque que Balthazar, charmant jeune homme d’à peine 20 ans, croise son chemin, elle va exploiter une idylle supposée entre eux pour paraître dans le coup.Alors oui, le chemin semble balisé de bout en bout : rencontre, amour, trahison, déception, mais bon… quand même… re-amour. Tout semble joué dès la première image. Mais ça, Meg Ryan et Julia Roberts nous l’ont prouvé mainte et mainte fois depuis bien longtemps…

Il faut plutôt aller voir dans ce qui fait la réussite d’une bonne romcom. Car, comme c’est le cas de certaines recettes en cuisine, ce n’est pas toujours l’originalité du plat qui compte, mais des ingrédients de qualités.

20 ans

Des situations drôles même si attendues, des répliques qui font mouches, des références (mais pas trop appuyées) aux ainés, comme ici Coup de foudre à Notting-Hill ou à certains films des frères Farrelly, des personnages attachants et surtout une alchimie qui fonctionne entre tout c’est éléments pour réaliser une mécanique bien huilée.

Le sex-appeal de Virginie Efira (confirmant au passage qu’il faut être belge pour être belle ET drôle en France), le talent inné pour la comédie de Pierre Niney, le contre emploi de Charles Berling digne d’un Will Ferrell, et voilà un film qui donne du goût à une recette aussi classique que celle de la blanquette de veau…

Olivier Fournel

Sortie le 06 mars 2013; de David Moreau; Avec : Virginie Efira, Pierre Niney, Charles Berling, Gilles Cohen… Long-métrage français; Genre : Comédie; Durée : 1h32           Distributeur : Europa Corp

THE NEXT DAY

next day

Comment peut-on critiquer l’album d’un artiste qu’on n’attendait plus ? David Bowie, donné pour mort ou en passe de l’être depuis tant d’années, revient, le jour de ses 66 ans avec un nouveau single au mois de janvier et deux mois plus tard, nous balance une galette de toute beauté dans nos esgourdes. Que dire, sinon que le patron est revenu pour nous dire que le génie n’est pas mort, que la bête bouge encore.

Bowie, c’est, avec Elvis, Dylan, Michael Jackson ou des groupes comme les Stones ou les Beatles, un des rares artistes à avoir changé notre façon de faire ou t’entendre la musique. Ce qui, à mes yeux, le rend supérieur à tout ces grands noms cités plus haut, c’est qu’il n’a jamais cessé de chercher, de se réinventer. Il s’est créé de multiples facettes qu’il a su tuer sur scène, accumuler des tas de surnoms, rentrer dans chaque des dernières décennies avec de nouveaux défis, donner naissance à des courants musicaux à lui tout seul (le glam rock, la cold wave…). Bien sûr, ’il s’est aussi perdu quelque part dans le milieu des années 80, laissant l’innovation aux Depeche Mode, Cure et U2. Mais à l’heure d’aujourd’hui, combien d’artistes peuvent se prévaloir d’autant de coups de maître, de tubes interstellaires, de paris insensés ?

Le bonhomme n’a plus rien à prouver, a influencé toute la scène musicale pendant de nombreuses années, et a acquis un statut de Dieu vivant auprès de tant de fans.

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Alors, pour répondre à cette fameuse question, et en tant qu’humble fan, on ne critique pas un album de Bowie qu’on n’attendait plus, on l’écoute comme on va à la messe. On boit les paroles, les mélodies et à la fin, on dit Amen. Point. The Next Day, à la pochette géniale, recto comme verso, n’est pas le meilleur album de l’anglais, non, pas d’hymne à la Heroes ou Ashes to Ashes, mais un nouvel opus qui fait le point sur plus de quarante ans de carrière avec de très belles chansons et une production impeccable. Soyons honnête, Bowie aurait fait un album de reprise de Bénabar, on aurait trouvé ça génial aussi. Blague mise à part, voilà 17 morceaux qui rassurent plus qu’ils ne surprennent. L’homme n’innove plus véritablement, mais sait tellement y faire qu’une chanson de Bowie, même mineure, vaut dix fois plus que dix albums de Thom Yorke (avis strictement personnel).

Bowie fait à des moments dans l’auto-citation avec If you can see me qui rappelle bien sûr cette extraordinaire album concept Outside sans jamais vraiment égaler les fabuleux morceaux qui s’y trouvait. Avec le premier single Where are we now, magnifique chanson, mélancolique à souhait, on pouvait s’attendre à une nouvelle production un peu triste, un peu « je suis pas vraiment mort, mais ça en prend le chemin les gars, alors je vous prépare la bande son à mettre derrière le corbillard, comme j’avais fait la bande son pour mon mariage ». Et puis, là, le 11 mars, bim ! On se prend une première patate en découvrant un album très électrique, rock, très en guitare et en rythme. Papy fait de la résistance, donc.

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Le morceau titre envoie dès le départ les hostilités et nous fait comprendre que le gentleman remet les gants et pose sa voix si particulière sur des bons gros riffs. A noter que la voix n’a pas changé, même si elle ne va plus toucher les nuages comme pour Life on Mars, elle se module, change d’orientation, de timbre. Bowie, en ce sens, est un interprète. Dirty Boys, il faut des écoutes prolongées pour l’accepter, avec son intro de gros mammouth qui joue du sax baryton. Le refrain vient éclairer l’ensemble et nous emmène. The stars fait partie des très bons morceaux. Direct, fluide, riche en sons, d’une efficacité imparable. Love is Lost nous renvoie aux années 70, à cette cold wave, aux ambiances inquiétantes. Combien de chanteurs mélangent une ligne d’orgue très épurée et des guitares saturées au loin ? Une nouvelle fois, le refrain donne un coup de pied au cul et nous fait décoller. Quelle maîtrise…

Where are we now fait, au fond, figure de parasite dans cet ensemble si électrique. Valentine’s day est la chanson la plus évidente de l’album avec une guitare superbe et aérienne. Encore une fois, c’est carré, c’est simple, comme si Bowie nous montrait qu’il ne faut pas trop de notes pour que ça marche, juste les bonnes. I’d rather be high accroche peut-être un peu moins l’oreille par manque de surprises et le refrain semble un peu daté. Boss of me nous réveille avec un rock plus lourd et où le sax baryton en remet en couche en compagnie du magnifique jeu de basses de Gail Ann Dorsey.

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Dancing out in space avec quelques expériences sonores et une double voix très intéressante, le tout enrobé dans une rythme très bondissante, possède un petit charme suranné propre aux années 80. Joli et frais. How does the grass grow est, pour moi, est un autre pic de l’album. Originale en diable avec des couplets un peu scandés et un refrain génial ou Bowie se permet des onomatopées en « gna gna gna gnaaa… » ! Set the world on fire doit être un reste de Tin Machine dans les veines du père de Ziggy. Passée l’intro, on est pris dans la grandiloquence du refrain et le morceau reste très longtemps dans la tête. Avec cette chanson, c’est comme si Bowie envoyait un message aux groupes de pop rock anglais actuels, leur faisant comprendre qu’il va falloir encore compter avec son énergie à lui. Un peu comme Rocky, prêt à remonter sur le ring pour botter quelques culs. You feel so lonely you could die est une petite ballade qui ne nous apprendra rien de plus, malgré des très belles choses et des cordes qui pourraient nous tirer quelques larmes. Heat donnerait presque le sentiment d’assister à son propre enterrement, et nous renvoi encore à Outside, laissant une confession toute en ambiguïté « I don’t know who I am ». On reste à se demander qui de David Jones ou de Bowie nous parle…

Les trois derniers morceaux, en bonus, pourraient faire de bonnes face B, sans plus. So She, s’oublie un peu plus à chaque écoute, l’instru Plan ferait une excellente entrée en concert (s’te plait, s’te plait, une tournée M’sieur…). Enfin, I’ll take you there est le pendant du premier morceau de l’album, très entraînant, sans être plus passionnant que ça.

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Au final, Bowie reprend le chemin qu’il était en train de parcourir avec son dernier album en date Reality. Non, aucune révolution, mais de très belles choses et surtout pas, comme on peut le lire ici et là, un dernier CD « pour la route » ou testamentaire. Bowie en a encore sous le pied et réussit toujours dans cette entreprise incroyable : un morceau de Bowie n’appartient qu’à lui. Reconnaissable entre tous, le Pape de la zicmu remet les pendules à l’heure. Ashes to ashes ? Non, c’est pas encore l’heure, Bowie est plus que jamais vivant.

Lilian Lloyd

A LA MERVEILLE

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Voilà, il fallait que ça arrive… après les récents  Au-delà de Clint Eastwood, To Rome with love de Woody Allen, ou encore Cheval de guerre de Steven Spielberg, ratages filmiques sans équivoque, Terrence Malick rejoint ces grands noms (dont il fait partie) pour nous offrir son premier véritable naufrage cinématographique…

A La merveille, pourrait se définir comme ce que Scary movie est à Scream, une parodie. Parodie (ici involontaire) du travail de Malick, mais par le réalisateur lui-même ! Car voilà, la mécanique de l’artiste a cessée de fonctionner. Impression de déjà-vu ou de lassitude tout simplement ? Ce qui était lyrisme bouleversant dans Les moissons du ciel ou The tree of life, semble n’être ici qu’auto références et quasi « foutage de gueule »…

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Comme toujours, Malick s’interroge sur le sens de la vie, de l’amour, de Dieu. Mais cette fois, son histoire et ses personnages tournent en rond, comme sa caméra flottante (qui d’ailleurs finie par ne plus être qu’un gimmick de mise en scène sans réelle utilité). On aimerait qu’il se passe quelque chose, trouver des réponses aux questions posées, mais tout comme le prêtre interprété par Javier Bardem (excellent, mais inutile) qui s’interroge sur l’amour divin, on se met très vite à douter de notre amour de cinéphile pour ce projet. Parce que A la merveille, c’est quoi ?

Un homme, Ben Affleck (qui quitte son meilleur rôle, celui de réalisateur, pour retrouver celui d’acteur au charisme d’huitre) qui rencontre une femme (Olga Kurylenko, fragile et touchante) et qui va l’entrainer dans l’ennui de son quotidien. Très vite elle s’ennuie, donc, et le quitte. Il va finir par la reprendre, parce qu’il pense que c’est son devoir, quitte à abandonner une autre femme (Rachel McAdams, dont on se demande si elle n’a pas été sacrifiée au montage comme Sean Penn dans The tree of life), qui, elle, le rendait heureux…

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A la merveille, c’est ça… plus une main devant un soleil orangé, des avions qui passent dans le ciel comme le signe d’un changement qui approche, des bisons dans un champ de blé, le Mont Saint Michel rarement aussi joliment filmé (il faut le reconnaître)… Malick à toujours des visions et veut nous en faire profiter.

Tourné dans les années 60/70 par Chris Marker ou William Klein, on aurait appelé ça du cinéma expérimental. Aujourd’hui, c’est juste chiant… Et pourtant, tout comme Spielberg, Scorsese, Eastwood et d’autres vieillissant du cinéma. Terrence Malick reste un grand artiste et un faiseur d’images sans pareil, qui arrive à nous toucher même quand on est à la limite de l’endormissement. Et la spiritualité de son esthétisme donne encore quelques belles fulgurances visuelles, dans un film au bord de l’étouffement.

Même ratée, une œuvre comme celle-ci mérite d’être vécue, au moins pour avoir le privilège de s’y être emmerdé…

Olivier Fournel

(To the Wonder) Sortie le 06 mars 2013; de Terrence Malick; Avec : Ben Affleck, Olga Kurylenko, Rachel McAdams, Javier Bardem… Long-métrage américain ; Genre : Drame Durée : 1h52           Distributeur : Metropolitan Filmexport