CANAL+ vient d’annoncer le tournage de la saison 3 de BORGIA signée Tom Fontana. La série BORGIA revient pour un troisième et dernier opus qui verra le déclin de Rodrigo et les avancées de Cesare dans sa poursuite du rêve commun de la famille Borgia : unifier l’Italie.
Le tournage de cette nouvelle saison durera huit mois – du 27 mai jusqu’au 27 janvier 2014 – en République Tchèque et Italie (région de Rome, notamment).
Le triomphe de l’oubli :
S’étalant sur une dizaine d’années, la troisième saison de BORGIA suit la famille Borgia à mesure qu’elle avance – et l’Italie avec elle – vers l’aube d’un nouveau siècle : Cesare se taille un chemin de conquêtes à travers les États Pontificaux, Lucrezia tente d’imprimer sa marque sur Rome, et Rodrigo, le vieillissant Pape Alexandre VI, lutte pour ne pas voir l’âge anéantir ses forces.
BORGIA saison 3
Une série de 12 épisodes de 52 minutes
Créée par Tom Fontana pour la Création Originale CANAL+
Réalisation : Christoph Schrewe, Metin Huyesin
Avec John Doman (Rodrigo Borgia), Mark Ryder (Cesare Borgia), Isolda Dychauk (Lucrezia Borgia), Assumpta Serna (Vannozza Cattanei)…
Que les fans de cinéma bis se réjouissent, nous tenons là le nanar de l’année ! Certes nous sommes à la fin du mois de mai, et il en reste encore sept pour faire mieux, mais la barre est déjà fixée très haut…
Il y a de cela deux ans, à part quelques râleurs tout le monde c’était accordé à reconnaître la force cinématographique de Drive,le premier film du couple Nicolas Winding Refn / Ryan Gosling. Comme sur la plupart des précédents films du réalisateur danois, tout se justifiait, de l’esthétisme à la violence, des partis pris de mise en scène au jeu des comédiens. Le (gros) problème ici c’est que tout sonne faux ! Le film se contente de jouer l’esbroufe à chaque image : le moindre plan, le moindre cadrage, la plus petite goutte de sang en devient complaisant, et essaye tant bien que mal de justifier l’histoire, mission quasi impossible puisqu’il n’y en a pas… Hé oui, n’est pas Stanley Kubrick qui veut !
Mais parmi tous les défauts du film (même s’il est déjà un défaut cinématographique en lui-même) voici un « best of » des raisons de détester Only God forgives :
– Parce qu’en jouant entièrement sur la forme, Winding Refn semble avoir oublié qu’un film a besoin d’un minimum de fond. Ici, aucun scénario à l’horizon, à par celui – et encore – d’un court-métrage ringard, qui se regarde le nombril et programmé pour passer sur Arte à 3h00 du matin.
– Chaque plan est tellement long que mixés avec ceux de Gatsby le Magnifique de Baz Luhrman, on obtiendrait presque un film regardable par l’œil humain. Tout ça d’un point de vue scientifique, artistiquement c’est une autre question…
– Les dialogues sont d’une rare crétinerie… au point qu’ils semblent avoir été improvisés pendant le tournage sous l’effet de la fatigue et de l’herbe cultivée sur place.
– Le charisme de Ryan Gosling, s’envole dès la première seconde du film. Il faut dire que jouer un mec qui caricature la façon de jouer de Ryan Gosling (en tout cas, c’est l’impression que ça donne), ça ne doit pas être évident. Regard vide et mâchoire serrée… Cela dit, le reste du casting joue à l’unisson…
– Comment trouver un intérêt et une empathie humaine quelconque dans l’histoire d’un gars qui veut venger la mort de son frère, tué parce qu’il a violé et tué une jeune fille de 16 ans ? Sur le thème de la vengeance fraternelle, dans le même milieu (les combats de boxe), et au même endroit (la Thaïlande), on peut préférer Kickboxer avec Jean-Claude Vandamme… c’est dire !
– Les parallèles entre le rapport mère/fils et l’impuissance masculine, avec comme point culminant de cette analyse freudienne de bas étage : masturber une femme serait une métaphore du désir de retourner dans le ventre de sa mère…
Le véritable problème d’Only God forgives c’est qu’à force d’avoir travaillé chaque détail de son film au millimètre près, Winding Refn n’en a finalement fait qu’un objet rutilant mais sans âme, et surtout sans véritable intérêt. Un peu comme ces publicités qu’on trouve jolies parce que « bien foutue » mais dont fondamentalement on se fout totalement. Film expérimental, d’après le réalisateur lui-même, qui expérimente surtout la tolérance du spectateur face à la vacuité d’un certain cinéma qui s’admire à chaque plan. Et quand 1h30 de film semble en faire le double, il y a de quoi sortir épuisé… Si « seul Dieu pardonne », c’est auprès de ces même spectateurs que Nicolas Winding Refn devrait s’excuser !
Olivier Fournel
Sortie le 28 mars 2013; de Nicolas Winding Refn; Avec : Ryan Gosling, Kristin Scott Thomas…; Long-métrage Franco-danois; Genre : Thriller; Durée : 1h30 Distributeur : Wilde Side / Le Pacte
Damien North est « Un homme effacé ». Il est veuf, professeur d’université et a peu de loisirs. Damien North est un homme banal, qui va se retrouver malgré lui écrasé par les rouages de la machine judiciaire. Il va être accusé de pédopornographie. Il n’en ressortira pas fondamentalement changé, juste un peu plus accablé par le poids de la vie. Damien North, c’est vous et moi. Un homme effacé a fait peu de bruit lors de sa sortie, mais a pourtant reçu le Goncourt du premier roman 2013 et le Prix Landerneau 2013. Et c’est peu dire si ce roman dérangeant mérite ces récompenses.
L’histoire est banale : un homme discret est accusé à tort de pédopornographie et soumis à la vindicte populaire, comme c’est trop souvent le cas de nos jours (accusés d’Outreau, si vous nous lisez). Du jour où il va être mis en cause, tous ses gestes et dires vont prendre une autre dimension, glaçante : celle de sa culpabilité certaine. Pourtant, Damien North est innocent. C’est le postulat de départ du livre et ici aucun suspens, on ne cesse de le rappeler. Mais c’est en ça que s’exprime le talent de l’auteur, Alexandre Postel. Le lecteur devient de plus en plus suspicieux au fil des pages. Plus il avance dans la livre, plus il en vient lui aussi à s’interroger, comme ces gens qui revoient leur jugement.. Et s’il y avait une révélation de dernière minute ? Et si ce roman était en fait un thriller magistral, à la manière du Meurtre de Roger Ackroyd d’Agatha Christie ? Le climax est atteint lorsque, du fond de sa prison, North participe à une étude sur la réinsertion des pédophiles et qu’il est évident qu’il en a toutes les caractéristiques. Et contre toute attente, aucune révélation finale. Mais aucune déception non plus ! Par ce tour de force talentueux, Postel réussit à faire du lecteur l’allégorie de ce qu’il dénonce : une société prête à tomber à bras raccourcis sur un homme pour en faire un bouc émissaire. Une société abrutie par les images, qui accepte sans réfléchir, et sans prendre le moindre recul sur ce qu’on lui fait avaler.. On se prend aussi à le détester ce Damien un peu mou. Nous aussi, aurions envie de le brusquer un peu, de lui faire payer son innocence.
Un homme effacé est un roman dérangeant, mais tellement subtil. L’auteur se contentant de nous raconter l’histoire de Damien North, sans rien dire de plus. Et c’est en nous mettant face à nos propres contradictions (mais ce serait si simple s’il était coupable) qu’Alexandre Postel dénonce, avec force, le poids des rumeurs, de la nécessité de se conformer aux conventions, les dérives des assertions judiciaires, la vacuité d’une société obnubilée par les images (la description des images pédophiles et à la fois fascinante et nauséabonde). Et, alors que l’on referme le livre sur l’évocation d’un discours, on ne peut s’empêcher de penser à l’importance des mots, ceux qui sont dits, ceux qui sont tus, et à leur impact sur notre universelle solitude.
Lilith Peper
Un homme effacé d’Alexandre Postel, aux Editions Gallimard – Goncourt du premier roman 2013 et le Prix Landerneau 2013
New-York, printemps 2008. Sous la pression du succès fulgurant de son premier roman, Marcus Goldman peine à trouver l’inspiration pour écrire son deuxième livre. Alors qu’il commence à se faire à l’idée de laisser expirer le délai du juteux contrat passé avec son éditeur, coup de théâtre : son maître à penser, son père spirituel, le célèbre auteur Harry Québert, est accusé de meurtre. Commence alors une enquête qui pousse Marcus (et le lecteur) à s’interroger sur les relations humaines, les faux-semblants et à se poser une question plus fondamentale que ce qu’on pourrait penser : comment écrit-on un (bon) roman ?
Mille récits en un dans La vérité sur l’affaire Harry Québert : celui que lit le lecteur, celui que veut écrire Marcus, celui qu’il écrit, celui que les gens croient qu’il écrit, celui que son éditeur veut qu’il écrive, celui que Québert a écrit, ceux qu’on aimerait écrire et ceux qu’on aurait préféré ne jamais avoir imaginés… De façon évidente, il y a un roman dans le roman : les premiers jets du livre qu’écrit le personnage sont offerts au lecteur comme une avant-première. Cette mise en abyme enrichit doublement le récit, qui se lit avec fluidité et délectation, malgré sa complexité et ses multiples angles d’approche. A la fois thriller, chronique d’une Amérique qui voudrait changer sans vraiment réussir (ou le vouloir), roman d’amour et d’amitié, La vérité sur l’affaire Harry Québert sait s’adapter à son public. Ceux qui veulent s’arrêter au roman d’amour, ou d’amitié, le pourront en passant un très bon moment. De même, ceux qui veulent n’y voir qu’un thriller peuvent se préparer à des nuits blanches. Mais au-delà du thriller haletant, le roman propose une réflexion sur les travers de notre société ; ainsi celui qui veut y lire une analyse de la société américaine sera servi. Le roman se déroule durant la période de la première élection de Barack Obama, et l’évocation de cet évènement planétaire et historique, plus qu’un simple détail, fait la singularité et l’intérêt du roman. Si, en effet, le contexte socio-politique est régulièrement évoqué, il n’est ni détaillé, ni décortiqué de façon apparente. Mais c’est le contraste entre un événement fondamental, marqueur de l’avènement d’une ère nouvelle de niveau mondial (l’élection d’un président noir à la tête du pays qui domine le monde) et le fait indéniable de la persistance d’une certaine forme de superficialité, de vacuité de la société et de ses attentes, qui fait la qualité première de ce roman.
Le livre de Marcus Goldman doit sortir avant ou juste après les élections, afin d’être assuré d’une médiatisation maximum; son éditeur, évidemment vénal, a un point de vue sans équivoque : aucun événement n’est plus important que la médiatisation qu’on en fait. L’important est ce qui se dit, ce qui s’entend (Québert le dit lui-même : « n’écrivez pas pour qu’on vous lise; écrivez pour être entendu ») tout ne fait que passer et s’oublie aussi vite; seul l’argent reste… et encore. Mais comme le rappelle la 4e de couverture, La vérité est aussi – et surtout – un roman sur les romans. Comment écrit on un roman, et qu’est ce qui fait qu’un écrivain est un écrivain ? La paternité nominative d’un récit fait elle du père patronymique l’auteur dudit récit? Qu’est ce qu’un bon sujet ? L’auteur, Joël Dicker, ne répond pas à ces questions mais se contente de donner des pistes de réflexion, de les creuser, de les lâcher parfois, pour mieux y revenir, ou pas. Il dresse un constat terrible : tout n’est qu’éternel recommencement. Un nouveau roman est à peine achevé qu’il faut déjà se lancer dans l’écriture du suivant. Un événement à peine abordé qu’il faut déjà occuper la scène médiatique sur un autre sujet. Ne semblent résister à cette surenchère que les relations amoureuses et amicales, pour peu que l’on accepte de souffrir, puisque, comme le dit Harry Québert » Ecrire un livre, c’est comme aimer quelqu’un : ça peut devenir très douloureux ». La vérité sur l’affaire Québert est un roman « boule à facettes », tant par ses axes de lectures, ses formes multiples, que par les sensations qu’il provoque : tout aussi enthousiasmant, passionnant, brillant, subtil, que profondément pessimiste.
Lilith Peper
La vérité sur l’affaire Québert de Joel Dicker, aux Editions De Fallois – Goncourt des lycéens et Grand Prix de l’Académie Français 2012