Le printemps arrive – ou en tout cas ne devrait pas tarder à arriver – et dès les premiers rayons de soleil le corps se réveille l‘esprit vagabonde, les hormones travaillent et certains souvenirs se font plus clairs, comme désengagés des frimas de l’hiver… Enfin, quand je parle de souvenirs, je parle de ceux que les moins de 30 ans ne peuvent pas connaître, ou très mal, et qui mérite pourtant de l’être ! Alors, pénétrons dans les coulisses d’une partie de notre patrimoine cinématographique, dont l’Histoire a subit bien des remous…
C’était mieux avant…
X…. Depuis 1975, c’est ce traditionnel emblème de l’anonymat qui sert à nommer l’innommable. La signature de la délinquance ! Au départ, cette « marque » vient du peu d’imagination de la part des censeurs (le X de seXe). Elle provient aussi de la cotation équivalente américaine d’interdiction aux mineurs, plus grave que le R Restricted. Le X étant l’étape ultime de l’infamie… Plus prosaïquement, la réalité est un peu différente. Le X a été un garde fou pour la profession cinématographique qui, sentant ses intérêts menacés par le déferlement érotique de 1974/75, s’est frileusement replié sur son conformisme puritain. Jusque-là on pouvait voir à l’affiche des mêmes cinémas Les aventures de Rabbi Jacob et La luxure secrète. Peu après, les cinémas pornos allaient fleurir un peu partout en France.
Les films se voient imposer une TVA majorée par rapport au films « classiques », un prélèvement de 20% sur les bénéfices et une taxe forfaitaire de 300 00 francs pour les films étrangers. A ces mesures financières drastiques, s’ajoute l’interdiction à l’affichage, les films devant se contenter en guise de publicité, de leur titre. Au vu de ces contraintes, on imagine les dégâts rapides que ne va pas manquer de créer cette loi. S’ensuivent le nivellement par le bas d’une production française dont la survie est liée à des budgets de plus en plus serrés. Retour de balancier logique : puisque l’importation de films s’interrompt faute d’être rentable, la production nationale installe un quasi monopole sur ce marché. Mais obligé de faire face à ces restrictions, les films sont de moins en moins inspirés et de plus en plus interchangeables. Les rares réalisateurs un tant soit peu ambitieux – Jean-François Davy, Francis Leroi, Pierre Reinhard ou Michel Ricaud – ont du mal à garder un point de vue artistique. Mais c’est aussi à partir de ce moment là que va naître un vrai star system, particulièrement féminin.
Deux nouveaux genres vont alors émerger à cette époque, le vaudeville et le mélo mondain (dont Je suis à prendre, le classique de Francis Leroi, avec Brigitte Lahaie, qui allait devenir l’égérie de toute une génération). Et c’est bien les actrices qui vont devenir la principale attraction de ces films, l’homme instrumentalisé, étant réduit à sa fonction la plus primaire. Ultime conséquence d’un genre qui, à l’époque, est quasi exclusivement masculin. Le X devient une sorte de stéréotype, et n’existe plus que dans sa réalité économique et industrielle : les films commencent à être tourné à la chaîne, avec le même type de plans, le même type d’enchainements et de positions. Cela révèle un état de fait, tant en terme de production que d’exploitation : malgré la crise provoquée par la censure, les chiffres impressionnent encore par leur ampleur. Et pourtant, bien loin de se perdre dans ses propres méandres, c’est à la fin de cette décennie semée d’embuches que le X tente de se réinventer. Pas évident…
Toujours prêts…
A partir de là, il va devenir légitime d’établir un parallèle entre le X et le fantastique, même si son irréalisme rejoint plutôt le merveilleux. Comme un récit féérique, un film X se déroule dans un univers différent du nôtre, obéissant à d’autres lois … Les hommes comme les femmes sont toujours disponibles, consentants, performants et sans condition. Dans ce monde, qu’on aimerait tous connaître, pas de problème de tempérament, d’humeur, de compatibilité, de bonne ou de mauvaise disposition. Prenons pour exemple La rabatteuse. Notre dévouée Brigitte – encore elle – reçoit la tâche de « rabattre », donc, pour les plaisirs du meilleur ami de son amant, des jeunes femmes, et ceci tous les soirs. Non seulement elle accepte sans sourciller cette fonction pour le moins inhabituelle, mais surtout elle réussit à convaincre toutes ces demoiselles, parfaites inconnues, désignée à elle par l’heureux bénéficiaire. On croit rêver ! On en rêve…
On peut aussi s’étonner de cet archétype profondément contradictoire de la pucelle qui, sensée attendre depuis des années la révélation du plaisir, se révèlent au bout de quelques minutes la perle des expertes. C’est bien là la définition du merveilleux !
Alors, manque d’imagination des réalisateurs ? Conditions économiques précaires des productions ? Les critiques contre le X – pas toujours de bonne foi – mais parfois justifiées, tournent autour de sa médiocrité artistique et de son manque d’originalité. Ce à quoi ses défenseurs, plutôt bien inspirés, répondront que lorsque l’on regarde un film comme Parties Fines, c’est plus pour sa monotonie répétitive que pour y trouver un « retournement de situation » digne de 6ème Sens.
Mais comment briser cet éternel retour ? Comment dans ces conditions renouveler l’intérêt des consommateurs ? Une nouvelle machine du X va bientôt se mettre en marche…
A suivre…
Olivier Fournel