Cannes 2013 : La Palme d’Or du foutage de gueule
Que les fans de cinéma bis se réjouissent, nous tenons là le nanar de l’année ! Certes nous sommes à la fin du mois de mai, et il en reste encore sept pour faire mieux, mais la barre est déjà fixée très haut…
Il y a de cela deux ans, à part quelques râleurs tout le monde c’était accordé à reconnaître la force cinématographique de Drive, le premier film du couple Nicolas Winding Refn / Ryan Gosling. Comme sur la plupart des précédents films du réalisateur danois, tout se justifiait, de l’esthétisme à la violence, des partis pris de mise en scène au jeu des comédiens. Le (gros) problème ici c’est que tout sonne faux ! Le film se contente de jouer l’esbroufe à chaque image : le moindre plan, le moindre cadrage, la plus petite goutte de sang en devient complaisant, et essaye tant bien que mal de justifier l’histoire, mission quasi impossible puisqu’il n’y en a pas… Hé oui, n’est pas Stanley Kubrick qui veut !
Mais parmi tous les défauts du film (même s’il est déjà un défaut cinématographique en lui-même) voici un « best of » des raisons de détester Only God forgives :
– Parce qu’en jouant entièrement sur la forme, Winding Refn semble avoir oublié qu’un film a besoin d’un minimum de fond. Ici, aucun scénario à l’horizon, à par celui – et encore – d’un court-métrage ringard, qui se regarde le nombril et programmé pour passer sur Arte à 3h00 du matin.
– Chaque plan est tellement long que mixés avec ceux de Gatsby le Magnifique de Baz Luhrman, on obtiendrait presque un film regardable par l’œil humain. Tout ça d’un point de vue scientifique, artistiquement c’est une autre question…
– Les dialogues sont d’une rare crétinerie… au point qu’ils semblent avoir été improvisés pendant le tournage sous l’effet de la fatigue et de l’herbe cultivée sur place.
– Le charisme de Ryan Gosling, s’envole dès la première seconde du film. Il faut dire que jouer un mec qui caricature la façon de jouer de Ryan Gosling (en tout cas, c’est l’impression que ça donne), ça ne doit pas être évident. Regard vide et mâchoire serrée… Cela dit, le reste du casting joue à l’unisson…
– Comment trouver un intérêt et une empathie humaine quelconque dans l’histoire d’un gars qui veut venger la mort de son frère, tué parce qu’il a violé et tué une jeune fille de 16 ans ? Sur le thème de la vengeance fraternelle, dans le même milieu (les combats de boxe), et au même endroit (la Thaïlande), on peut préférer Kickboxer avec Jean-Claude Vandamme… c’est dire !
– Les parallèles entre le rapport mère/fils et l’impuissance masculine, avec comme point culminant de cette analyse freudienne de bas étage : masturber une femme serait une métaphore du désir de retourner dans le ventre de sa mère…
Le véritable problème d’Only God forgives c’est qu’à force d’avoir travaillé chaque détail de son film au millimètre près, Winding Refn n’en a finalement fait qu’un objet rutilant mais sans âme, et surtout sans véritable intérêt. Un peu comme ces publicités qu’on trouve jolies parce que « bien foutue » mais dont fondamentalement on se fout totalement. Film expérimental, d’après le réalisateur lui-même, qui expérimente surtout la tolérance du spectateur face à la vacuité d’un certain cinéma qui s’admire à chaque plan. Et quand 1h30 de film semble en faire le double, il y a de quoi sortir épuisé… Si « seul Dieu pardonne », c’est auprès de ces même spectateurs que Nicolas Winding Refn devrait s’excuser !
Olivier Fournel
Sortie le 28 mars 2013; de Nicolas Winding Refn; Avec : Ryan Gosling, Kristin Scott Thomas…; Long-métrage Franco-danois; Genre : Thriller; Durée : 1h30 Distributeur : Wilde Side / Le Pacte