Le voilà, enfin, le film que beaucoup attendaient, et que notre héros en armure méritait. Malgré toutes les qualités du premier opus, excellent « Entertainment movie », force est de reconnaître que le Iron Man de John Favreau, manquait férocement de personnalité, se reposant essentiellement sur celle de son interprète Robert Downey Jr. Avouons aussi qu’arriver juste après le Dark Knight de Christopher Nolan et le Watchmen de Zach Snyder, n’était pas chose aisée. Mais en reprenant les rênes de la franchise, Shane Black passe du rêve à la réalité, réalisant un film au style que l’on attendait pas forcément… ou peut-être un peu pour les fans de la première heure du réalisateur.
Car Shane Black c’est LE scénariste des années fin 80 / début 90, père d’œuvres de références comme L’Arme fatale (1987) de Richard Donner, Last Action Hero (1993) de John Mc Tiernan, où Schwarzenegger jouait Schwarzenegger qui jouait un héros de film d’action, ou encore Le dernier samaritain (1991) du regretté Tony Scott, avec un Bruce Willis au top de sa forme verbale. Il est aussi le réalisateur de Kiss Kiss Bang Bang (2005), le film qui a permis à Robert Downey Jr de relancer sa carrière cinématographique après ses problèmes de poudreuse et de prison. Grand scénariste, Shane Black est aussi un énorme dialoguiste, roi de la vanne, et Iron Man 3 le prouve une nouvelle fois. Il était l’homme de la situation pour relancer les aventures de l’homme de fer, après le ratage du second opus, et le coup de génie des Avengers. Celui qui est considéré par beaucoup comme le maître du « buddy movie », offre le même traitement à Tony Stark, tordant ainsi les conventions du genre : film d’action, film noir, comédie. Il joue avec les clichés pour mieux les bousculer.
Plus centré sur Stark que sur son alter égo métallique (le mot prend ici tout son sens), l’armure devient ici un personnage à part entière. On en vient très vite à faire le parallèle entre la relation Downey Jr / Stark et Stark / Iron Man. Qu’en serait-il de la franchise Iron Man sans le comédien, et de Tony Stark sans Iron Man ? D’ailleurs, l’industriel flamboyant des deux premiers films n’est plus le même. Il est en pleine dépression depuis qu’il a combattu des aliens et un dieu nordique venant d’une autre dimension aux côtés de ses nouveaux amis super-héros. Le voilà dans une grosse période de doutes (on le serait pour moins que ça…). Lorsque qu’en plus son univers personnel en prend un coup, Stark se lance dans une quête acharnée pour retrouver, non seulement un ennemi prêt à tout pour l’éliminer, mais aussi se retrouver lui même, et tenter de répondre à la question qui ne cesse de le hanter secrètement : est-ce l’homme qui fait le costume, ou le costume qui fait l’homme ?
Dès lors, le film ne cesse de montrer l’être humain en proie à ses faiblesses. Stark s’est créé un double pour se rassurer plus que pour survivre, un héros, devenu une véritable icône pour le pays qu’il défend. Mais au fond, ce n’est qu’un refuge. En réalité, il reste un homme imparfait, pire un homme blessé avec un cœur transpercé d’un bout de métal. Et c’est lui le nouvel Iron Man, cet homme qui s’expose, se met à nu face à ce (et ceux) qui l’entoure. Son but n’est plus simplement de sauver le monde, mais de se trouver en tant que personne, et non plus seulement en tant que super-héros. Une fois enlevé ce qui le rend fort et (quasi) indestructible, il va se retrouver à terre… Mais sans son costume, il se montre sous un jour plus féroce et finalement tout aussi dangereux. Son aventure au sein des Avengers l’a poussé à se remettre en question, il opère ici une renaissance qu’il espère salvatrice. Sûrement le syndrome Batman !
Iron Man 3 est le premier film de l’écurie Marvel post Avengers. Mais à tout bien y réfléchir, l’extraordinaire succès autant critique que public de ce dernier (plus d’ 1, 5 milliards de dollars dans le monde) avait tout du cadeau empoisonné, obligeant le studio à placer la barre très haut pour ses suites (Thor 2 et Captain America 2 arrivent bientôt) et ses autres héros dérivés en attente (Ant Man). En créant un genre nouveau, , le « cross-over de blockbusters », Joss Whedon jouait gros. Un peu comme si l’on réalisait un film où James Bond s’alliait à John McLane et Jason Bourne pour combattre les méchants Transformers prêts à envahir le monde libre une nouvelle fois.
Non seulement Shane Black relève le défi de ne pas jouer la surenchère, ce qui aurait été une énorme erreur, contournant ainsi tout risque de déception, mais il réussi aussi à imposer sa touche, faisant de l’un des films les plus attendus de l’année une œuvre plutôt personnelle, en tout cas qui ressemble à son auteur. Au passage, il restaure la « cool attitude » du personnage, bien entamée par un deuxième volet raté au-delà de toutes espérances…
Qui a dit que le 3 était un chiffre maudit ? Ah oui ! Shane Black au moment de la sortie de L’Arme fatale 3…
Olivier Fournel
Sortie le 24 avril 2013; de Shane Black; Avec : Robert Downey Jr, Gwyneth Paltrow, Don Cheadle, Ben Kingsley, Guy Pearce… Long-métrage américain; Genre : action; Durée : 2h10 Distributeur : Paramount / The Walt Disney Compagny